<< Cette haine là, on la retrouve chez tous les gens de l'ordre. C'est la haine qu'on porte aux Bédouins à l'hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m'exaspère >>
Cet extrait d'une lettre de de Gustave Flaubert à George Sand, écrite en 1867, rappelle combien le rejet des Roms ne date pas d'aujourd'hui : il est presque contemporain de leur arrivée en France au XVe siècle.
Pour Flaubert, il exprime la sainte terreur du bourgeois, qui voit ses valeurs - la propriété privée, les économies bien cachées - bafouées par ces fils du vent qui, eux ne revendiquent aucune possession, aucune terre, aucun sol national : à ses yeux, les revendications << normales >> de tout homme << normal >> ! Dans un pays aussi chauvin que la France, il n'est pas étonnant que l'absence de référence à une << mère patrie >>, à un pays natal chéri, puisse encore de nos jours, sembler pathologiquement à certains.
Insaisissables
...Méfions nous des idées toutes faites, des images préconçues. Souvenons-nous que dans l'imaginaire des Anglais, les Français sont de répugnants mangeurs de grenouilles et que les Américains nous voient tous avec un béret sur la tête et une baguette de pain sous le bras.
Dans l'inconscient collectif, face aux caravanes de Roms, nous ne pouvons aussi penser que se rejoue symboliquement le vieux drame qui, depuis l'aube de la civilisation oppose le sédentaire - il pense à l'avenir bâtit, produit, économise - et le nomade - il vit le moment présent et se déplace au gré de ses envies traversant sans culpabilité des terres qui appartiennent à d'autres. Il se sent d'autant moins coupable que le nomadisme ne favorise pas l'acquisition du sens de la propriété.
Le premier meurtre rapporté par la Bible peut aussi d'ailleurs être lu comme le désir du cultivateur (Caïn) d'éliminer l'éleveur nomade (Abel) qui lui fait de l'ombre.
Et historiquement, socialement, c'est un fait, la sédentarité a tué le nomadisme, finalement moins adaptable à la vie collective. Car imprévisible, sans adresse, le nomade est un cauchemar pour les paranoïaques, et pour tous ceux qui ont besoin que chaque individu soit repérable et situable à toute heure du jour et de la nuit.
Différents
Stop ! objecteront certains, les Roms on ne les aime pas, mais pour de bonnes raisons : ils détroussent les usagers du métro, se vautrent dans la saleté, ne veulent pas travailler, mendient, mendient avec les nourrissons, vivent en parasite sur notre dos. Les défenseurs de la cause animale ajouteront que les Roms gagnent leur vie avec des trafics d'animaux - des chiots utilisés par les mendiants pour attendrir les passants, des chats kidnappés et vendus aux laboratoires. Et c'est vrai, certains délinquants se livrent à ces pratiquent. Mais attention aux généralisations abusives qui font le lit du racisme et par lesquels tous les musulmans deviennent de dangereux terroristes et les juifs, des usuriers au nez crochu.
Le peuple Rom se compose de plusieurs millions d'individus, majoritairement sédentarisés, mais qui continuent à être perçus comme des voleurs de poules. Des personnes issues de cette communauté fréquentent les bancs de l'université, écrivent dans la presse, travaillent dans l'édition, le cinéma. Ou plus classiquement dans des entreprises, des magasins. Mais les préjugés sont tenaces. Il suffit d'évoquer une origine tsigane, gitane pour que presque toujours le visage de l'interlocuteur se teinte d'inquiétude et de méfiance. Et que discrètement, il s'assure que son portefeuille n'est pas brutalement disparu...
Article programmé il y a quelques temps. J'ai malheureusement omis de mettre les sources de cet article... Si toutefois vous les connaissez, merci de m'en informer, afin de le restituer à, ou aux auteurs. Merci